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Par Abdeslam Seddiki
Précisons également que l’appréciation des IDE sur une seule année n’est pas scientifiquement fiable et ne permet pas, par conséquent, de tirer des conclusions définitives en raison notamment du décalage entre les montants annoncés dans les contrats et ceux qui sont effectivement réalisés au cours de l’année.
Il faut rappeler au préalable que les investissements directs étrangers ont tendance à se contracter au niveau mondial au cours des dernières années en raison des perturbations que connait l’économie mondiale suite à la crise covid et d’autres facteurs dont notamment la guerre Russie Ukraine, la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien, les rivalités commerciales entre les grandes puissances. Dans ce contexte morose, marqué par de multiples incertitudes, les Firmes multinationales et les investisseurs à l’international adoptent une approche prudente et ne s’emballent pas trop.
Cette baisse des IDE, comme cela apparait dans les statistiques, touche essentiellement les Pays en voie de développement et à un degré beaucoup plus élevé l’Afrique.
Ainsi en se limitant aux trois dernières années 2021-2023, les flux entrants au niveau mondial sont passés de de 1622 MM $ en 2021 à 1332 MM $ en 2023, soit une baisse de près de 18%. Les flux sortants sont passés respectivement de de 1882 MM à 1581 MM, soit une baisse de 16%. L’Europe est le continent qui en a pâti le plus surtout au niveau des flux entrants au bénéfice de l’Amérique du Nord et de la Chine qui sont à la fois les premiers récepteurs des IDE et les premiers émetteurs. Autrement dit, ces deux pays sont à la fois attractifs pour l’investissement étranger et pourvoyeurs de flux à l’étranger.
En termes de pourcentage, au niveau des flux entrants, pour l’année 2023, l’Amérique du Nord attire 27 % des flux (360MM$) ; l’Union européenne attire à peine 4% (contre 16,4% en 2021) ; l’Asie bénéficie de 46,6% signe de dynamisme que connait ce continent qui abrite deux grandes puissances à savoir la Chine et l’Inde ; l’Afrique enfin ne bénéficie que de 4% (contre 5,1% en 2021), soit la modeste somme de 53MM$ pour une cinquantaine de pays et une population de 1,4 MM de personnes !
En revanche, au niveau des flux sortants, les contributions des différentes régions diffèrent sensiblement. L’Amérique du Nord y contribue à hauteur de 32% (contre 20,4% en 2021) ; l’Union Européenne avec une part modeste de 11,8% (contre 33% en 2021) ; l’Asie avec une contribution de 28,4% (4 points de plus par rapport à 2021) ; l’Afrique est pratiquement absente. A peine 6 MM $ sur un montant d’investissements sortants au niveau mondial de 1581 MM $!!
Il ressort clairement de ces données que la place du continent africain est marginale tant au niveau de flux entrants que des flux sortants. Les 53 MM d’IDE dont bénéficie le continent africain représentent à peine 1,7% du PIB global du continent, évalué à 3100 MM $. Bien que le Continent commençât à connaitre une certaine dynamique au cours des deux dernières décennies, cette croissance a été freinée par des facteurs tels que l'instabilité politique, la volatilité des marchés et des défis liés à la corruption et à la gouvernance. Seuls quelques pays ont commencé à émerger pourvu qu’ils ne tombent pas dans le « piège des pays à revenu intermédiaire » pour reprendre le titre d’un rapport de la Banque Mondiale publié récemment. Ainsi les pays qui tirent relativement leur épingle du jeu se comptent sur le bout des doigts d’une seule main. Il s’agit, par ordre croissant, des pays suivants : Egypte, Afrique du Sud, Nigéria, Ethiopie, Maroc et Kenya.
Ces 6 pays drainent, à eux seuls, près des trois quarts des IDE à destination de l’Afrique. Ce sont des pays qui ont une économie diversifiée relativement et jouissent d’une certaine stabilité politique. Même pour ces pays, la part de l’investissement étranger demeure limitée. Elle varie entre 2 et 3,4% du PIB selon les pays.
Au Maroc, les IDE représentent en moyenne 3% du PIB et entre 8 et 10% de l’investissement national. Bien sûr, l’approche quantitative n’est pas suffisante pour évaluer une politique donnée. Il faut introduire également l’approche qualitative. Ainsi, au-delà des chiffres et des pourcentages, il convient de voir les secteurs concernés par ces investissements étrangers, le transfert de technologie qui les accompagne, leurs effets d’entrainement en amont et en aval dont les effets sur l’emploi, le réinvestissement des dividendes et les « alliances » nouées entre le capital étranger et le capital national.
En intégrant l’ensemble de ces éléments dans l’analyse sans parti-pris idéologique, se plaçant uniquement sur le terrain scientifique et tenant compte de l’intérêt national, il n’est pas exclu de parvenir à des conclusions pas toujours réjouissantes. Ce qui explique les réticences de certains milieux vis-à-vis de l’investissement étranger, vu comme un levier de l’impérialisme. Cette pratique n’est pas entièrement absente à l’heure actuelle, bien qu’elle soit de moins en moins fréquente.
Par conséquent, nous disons oui à l’investissement étranger et personne n’ose « cracher dans la soupe ». A condition, toutefois, que cet investissement réponde aux besoins du pays et s’inscrive dans ses priorités nationales souverainement élaborées. Dans ce sens, nous apprécions positivement l’apport de l’investissement étranger pour notre pays. Mais, en aucune manière nous accepterons de céder à la solution de facilité et du laisser-faire qui nous renvoie à une époque révolue.
Notre pays, jaloux de son indépendance, demeure ouvert à un partenariat novateur et équitable avec l’ensemble des pays. Il offre aujourd’hui l’exemple vis-à-vis de ses partenaires africains en devenant le deuxième investisseur en Afrique juste après l’Afrique du Sud. C’est le résultat de la mise en œuvre d’une philosophie et d’une méthode adoptées par SM le Roi Mohamed VI en matière de relations internationales et du partenariat Sud-Sud.
Rédigé par Abdeslam Seddiki